2008. Disponible
En consultant les nombreuses études consacrées au droit égyptien, on constate que la majorité d’entre elles n’abordent pas la période qui précède la XVIIIe dynastie. Il est donc difficile, voire impossible, d’avoir une vue d’ensemble des structures et des mécanismes juridictionnels avant cette période. Pour pallier cette lacune, le présent ouvrage présente l’analyse de l’appareil judiciaire et des procédures juridictionnelles mis en œuvre entre l’Ancien et le Nouvel Empire (2700-1500 avant notre ère).
Ainsi, par l’examen du matériel, principalement prosopographique, il est non seulement possible de reconstituer les cours et leur personnel mais encore de suivre l’instauration d’une sorte de département de la Justice sous l’Ancien Empire, sa disparition lors de la Première Période Intermédiaire, puis son remaniement sous la forme d’une section dépendant du bureau viziral au Moyen Empire. En croisant les différentes sources recensées, juridictionnelles et extra-juridictionnelles (procès-verbaux, contrats, testaments, donations, décrets royaux, autobiographies, correspondances épistolaires…), on peut mieux comprendre les compétences reconnues à ces instances, les fonctions exercées par leurs agents. Cela permet aussi d’étudier les deux types de procédure observées par ces cours : de fait, si ce que nous qualifions de « civil » et de « petit criminel » relève de la procédure accusatoire, les affaires graves, liées à la Couronne ou impliquant les personnages les plus éminents de l’État, suscitent le déclenchement d’une procédure inquisitoire conduite par le roi en personne ou par des agents qu’il désigne.
Par ailleurs, cette étude a permis de mettre en valeur le rôle, jusqu’ici sous-estimé et pourtant essentiel, tenu par certains agents en matière juridictionnelle, qu’il s’agisse du sab attaché à Hiérakonpolis sous l’Ancien Empire ou encore du héraut sous le Moyen Empire et la Deuxième Période Intermédiaire.
En outre, parmi la documentation analysée, une tablette mise au jour dans l’oasis de Dakhla est d’un intérêt exceptionnel dans le domaine du droit des successions puisqu’elle révèle la possibilité, sous l’Ancien Empire, de tester en faveur d’enfants à naître, voire même non encore conçus.
L'auteur
Docteur en droit et diplômée en histoire de l'art et archéologie, Alexandra Philip-Stephan enseigne l'histoire du droit à la Faculté de droit de Paris X-Nanterre.
Table des matières
Préface
Introduction
Les sources | Jalons historiques | Les principes du droit égyptien
Première partie. Les structures juridictionnelles de l’Ancien à la fin du Moyen Empire
- Chapitre I. L’appareil juridictionnel sous l’Ancien Empire
Les institutions | Le personnel
- Chapitre II. L’appareil juridictionnel sous la Première Période Intermédiaire
et le Moyen Empire
L’éclatement des institutions sous la Première Période Intermédiaire | Les institutions du « début du Moyen Empire » | Les institutions de la « fin du Moyen Empire »
Deuxième partie. Les mécanismes juridictionnels de l’Ancien à la fin du Moyen Empire
- Chapitre I. La procédure juridictionnelle sous l’Ancien Empire
La procédure à l’échelon central | La procédure à l’échelon provincial
- Chapitre II. La procédure juridictionnelle entre la Première Période Intermédiaire
et la fin du Moyen Empire
La procédure sous la Première Période Intermédiaire et le « début du Moyen Empire » | La procédure à la « fin du Moyen Empire »
Conclusion
Annexes
Bibliographie | Liste des abréviations des périodiques et des revues | Documents | Prosopographie | Table chronologique | Glossaire des termes juridiques | Carte géographique | Index
Illustration de couverture : Papyrus Ani (© Trustees of the British Museum)
Préface
Le droit régit nos sociétés. Ou plus exactement « les droits », car chaque société a commencé par se gérer elle-même et, de coutumes en règlements, elle a construit son système. L’Égypte est une des plus anciennes sociétés organisées. Le droit égyptien existe inévitablement et dès l’époque la plus ancienne. Malheureusement, si les documents qui sont parvenus jusqu’à nous des époques de l’Ancien Empire et du Moyen Empire donnent la certitude qu’un certain droit existait, la minceur des sources est frustrante. Alexandra Philip-Stéphan fait preuve d’un grand courage en s’attaquant à ces périodes, et d’une sorte d’abnégation, de renoncement austère, en arrêtant sa recherche au seuil du Nouvel Empire, c’est-à-dire au moment où la documentation s’enrichit assez brusquement et où elle permet des analyses plus cohérentes.
L’égyptologie est un domaine scientifique qui comprend tous les aspects de l’activité humaine en Égypte pendant plus de 3000 ans. Il n’existe aucun égyptologue qui, à part la lecture des hiéroglyphes – point de départ obligé –, puisse utilement connaître tous les aspects de cette civilisation. Outre ce qu’on pourrait appeler « l’égyptologie générale », il y a des domaines si particuliers qu’une compétence spéciale est nécessaire pour les aborder, comme la médecine, la botanique, la mathématique, et aussi le droit, dont, même dans notre langue actuelle, le vocabulaire professionnel déroute le lecteur ordinaire. Pour élucider les mots égyptiens des textes qui ont trait à la justice, aux tribunaux, au droit en général, et pour deviner les structures auxquelles ces mots font allusion, énigmatiques pour les profanes, il faut aussi une formation de juriste.
Alexandra Philip-Stéphan baigne dans l’ambiance du droit depuis près de vingt ans, unissant l’étude à la pratique. Sur cette formation qu’elle ne cesse d’approfondir s’est greffé un intérêt pour l’Égypte ancienne qui est allé croissant, au point que ces deux centres d’intérêt se sont fondus en un seul. Le livre que voici est le résultat de cette fusion ; c’est une étude historique et technique d’un aspect du droit égyptien à partir des textes que l’auteur maîtrise bien : l’application du droit dans la pratique des tribunaux, les structures et les mécanismes de l’organisation juridictionnelle aux époques les plus anciennes (2700-1500). On se réjouit toujours de voir arriver dans le monde de l’égyptologie une personne ayant une compétence extérieure à la « simple égyptologie », une spécialiste d’une science qui n’est pas familière à tous et qui pourra nous éclairer sur le fonctionnement de la société égyptienne et contribuer ainsi à mieux comprendre cette civilisation dont nous sommes issus. N‘est-ce pas là l’objectif central et la raison d’être de l’égyptologie ?
Claude Vandersleyen
Compte-rendu
Extrait : "Ce livre […] mérite l'admiration parce qu'à partir d'une documentation extrêmement délabrée, aux vestiges en lambeaux d'une indigence frustrante, A. Philip-Stephan couvre au mieux l'histoire du droit égyptien pharaonique […]. Les égyptologues non juristes et les juristes non égyptologues apprécieront le côté très exhaustif et technique de l'ouvrage, qui permet à tous de trouver son miel, et notamment le dossier final où une grosse centaine de textes sources sont présentés […]" (Christian Cannuyer, Mélanges de Science Religieuse, janvier-mars 2009, p. 67-68).